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Suivre les toiles…

«On ignore ce qui se cache dans l’obscurité.» Cette affirmation tout en clair obscur du touche à tout de génie qu’est David Lynch rappelle avec pertinence que regarder, c’est bien souvent dépasser la seule dimension du voir.

Effet vertigineux garanti !

Or, dans un monde qui parfois semble s’aveugler à la lumière cliquetante et volubile d’une envahissante imagerie saturée d’éphémère, et dont les messages, à l’instar des tubes néons qui leur donne cette illusoire existence, trop souvent longs et creux, il est bon de connaître quelques salvateurs refuges la pensée et l’émotion sensible peuvent trouver plus encore que la simple consolation de l’oeil, un véritable terrain d’aventures et d’exaltation durable et permanente.

Le FRAC Auvergne (Fonds Régional d’Art Contemporain) est pour le moins l’une de ces bonnes et incontournables adresses, que l’on soit féru d’art contemporain, amateur occasionnel ou simple passant curieux.

Jean-Charles Vergne, qui préside à la destinée de cette belle Institution depuis 1996, est convaincu de l’importance de sa mission, simple et néanmoins fondamentale : «créer les conditions d’un dialogue permanent entre le travail des artistes contemporains et notre capacité à questionner nos perceptions du monde.» Mais qu’est-ce que l’art contemporain, me direz-vous ? La définition n’est pas simple à produire. Disons, pour aller vite, qu’il englobe les oeuvres relativement récentes (depuis 1945-1950 ou 60, selon les écoles) et qui se veut être une «avancée dans la progression des avant-garde», prenant ses distances avec les artistes dits classiques et les beaux-arts.

Pour ce jeune directeur, «l’élitisme n’est pas de mise concernant l’accès à l’art contemporain.» Manifestement, aux vues des chiffres de fréquentation du FRAC, de 6000 visiteurs en 1997 à 125 000 en 2011, il ne fait pas trop fausse route.

Certes, le déménagement des Ecuries en 2010 au 6, rue Barbançon aura participé à cet engouement populaire plaçant le FRAC et ses attirantes vitrines dans une situation idéale d’ouverture sur le coeur du Centre Ville ; certes, la gratuité affichée est également un atout, mais cela n’explique pas tout.

Jean-Charles Vergne raconte avec simplicité et conviction que pour créer ce phénomène, son équipe et lui travaille au quotidien depuis des années autour de trois axes principaux.

Tout d’abord, la collection par elle-même. «Le FRAC se doit pour son public de constituer une collection d’oeuvres d’art de haut niveau.» De fait, avec ses acquisitions  au nombre de 430 à ce jour, signées Soulages, Dubuffet, Luc Tuymans, Albert Oehlen, Yang Pei Ming, David Lynch entre autres…, le FRAC Auvergne n’a rien à envier aux emblématiques Musées nationaux et européens. «Vouloir s’adresser au plus grand nombre, ce n’est évidemment pas transiger sur la qualité des oeuvres acquises et exposées. C’est aussi ouvrir à l’hétérogénéité en donnant à voir par exemple un portrait de gitan de Pierre Gonnord au côté d’oeuvres plus conceptuelles. C’est encore proposer des créations que l’on peut qualifier de prestigieuses au sens où elles se font rares. C’est le cas du travail de David Lynch.»

Ensuite, la diffusion de la collection. Elle s’impose comme un enjeu majeur. Concrètement, cette diffusion s’opère avec vitalité sous forme d’expositions clermontoises directement au 6 rue Barbançon au rythme de 4 par an ou de manière plus nomade sur l’ensemble du territoire auvergnat avec une vingtaine d’expositions «délocalisées» chaque année. «Si le message de l’art ne connaît par définition pas de limite pour s’adresser à tout un chacun, il n’y a aucune raison pour que les barrières géographiques viennent en altérer la portée.»

Enfin, la sensibilisation des publics à l’art contemporain qui se traduit évidemment par un travail de présentation des oeuvres et des artistes lors de visites ou d’ateliers à destination des petits et des grands mais aussi par une volonté d’aller à la rencontre de nouveaux publics. Ainsi en 2012, ce ne sont pas moins que 16 expos temporaires qui voient le jour dans des établissements scolaires. Jean-Charles Vergne ajoute qu’avec ses collaborateurs, il travaille actuellement sur les nouvelles technologies de communication pour créer des espaces virtuels permettant un accès totalement libre et permanent à la collection par les lycéens et les étudiants.

Pour autant, n’allez surtout pas croire que tous les FRAC se déclinent à l’identique sur l’ensemble du territoire national. Notre établissement régional peut s’enorgueillir d’une singulière identité qui participe pleinement à sa reconnaissance au-delà des frontières nationales grâce à trois spécificités qui le rendent à nul autre pareil. En premier lieu, c’est son étonnante ligne éditoriale. Jean-Charles Vergne assume ainsi un choix fort, celui de l’édition de 4 à 5 catalogues par an en lien direct avec les expositions dans le but avoué de valoriser et de faire connaître, grâce à ce support de qualité, le travail des artistes. La deuxième caractéristique, c’est une relation intime du FRAC avec l’univers cinématographique : «La relation peinture-cinéma est une réalité indéniable. Le cinéma a beaucoup emprunté tout au long de son histoire à la peinture, notamment en ce qui concerne la composition de l’image. A l’inverse aujourd’hui, on constate que ce sont les peintres qui s’inspirent des principes de narration du cinéma», explique Jean-Charles Vergne. L’acquisition d’oeuvres de David Lynch s’inscrit clairement dans cette démarche. La dernière originalité, mais pas la moindre, réside dans la vitalité d’un «club de mécènes» qui, en plus des partenariats plus traditionnels avec l’Etat, la région, la Ville de Clermont-Ferrand, soutient pleinement l’action du FRAC Auvergne. «Les chefs d’entreprise ont conscience que l’un des facteurs essentiels pour attirer des collaborateurs de qualité dans la région demeure l’attraction de l’offre culturelle. Le FRAC, à ce titre, constitue pour ces entrepreneurs l’une des vitrines emblématiques

Et qu’importe si après avoir refermé les portes du FRAC Auvergne nos certitudes sont bousculées par des cohortes d’interrogations suscitées par ces déstabilisantes oeuvres puisque, comme l’énonce ce décidément trop fort David Lynch : «On n’est pas obligé de comprendre pour aimer. Ce qu’il faut, c’est rêver.»

CharlyM



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