© 2011 GB

Les aveux du silence…

Si, comme l’évoque l’irremplaçable Barbara dans sa bouleversante chanson La vente aux enchères, «Les choses nous parlent si nous savons entendre», alors assurément Bruno Sugères a l’oreille très fine.

Il sait bien entendu la grande histoire de chaque singulière pièce exposée au 8 de la rue Savaron mais il semble aussi connaître les secrets de la petite histoire de chacune d’elles, celle si envoûtante des sublimes passions passées mais aussi celle des peines à jamais à consoler. En passant la porte du Singe à l’envers (cette jolie et surprenante appellation provient de l’enseigne, le cocasse animal ayant choisi le jour de son installation de faire la bascule autour de son axe et Bruno de le laisser faire), il est surprenant de ressentir immédiatement et simultanément, pour chacun des éclectiques et somptueux objets, le témoignage d’un savoir-faire exceptionnel lié à une époque datée et le souffle pudique d’une déclaration intime. Bruno explique qu’il leur doit de ne pas les disposer de façon simplement efficace et pragmatique mais de leur trouver leur vraie place afin de mettre en scène leur beauté et leurs murmures.

Il faut dire que notre antiquaire les connaît tous très bien puisqu’il a été saisi très jeune du virus de la collection, au moins depuis où, enfant, un incroyable concours de circonstances lui a permis de faire régulièrement du patin à roulettes dans les immenses salles d’un cossu château voisin. Ajoutez à cela un goût insatiable pour les chasses au trésor et peut-être avez-vous les deux éléments fondateurs de la naissance d’une passion. Mais attention, comme tout passionné, Bruno est très sélectif, et il ne suffit pas que «l’oiseau rare» porte les promesses d’une opportune opération commerciale mais il faut évidemment, vous l’aurez compris, qu’il lui parle. Son attirance va principalement vers le XIXème Siècle et plus précisément sur le début de cette période très néo-classique (Premier Empire et Restauration) qui remit au goût du jour les grands thèmes antiques Romains, Grecs et Egyptiens.

Son savoir, il l’a forgé depuis presque 20 ans en parcourant avec gourmandise les puces et Salons Internationaux et d’une manière générale tous les lieux susceptibles de posséder LA pièce unique ou rare sans laquelle l’existence ne saurait être qu’une vaste blague. D’ailleurs, il l’avoue lui-même, il ne saurait acheter ou vendre que ce qu’il aime.

Dans plusieurs domaines d’expertise il jouit d’une enviable réputation nationale mais indéniablement son «truc», comme on dit, c’est la divine opaline dont il possède une rarissime collection qui a fait l’objet de l’édition du livre référence en la matière de Christine Vincendeau. Il affectionnne tout particulièrement les opalines de la période CharlesX pour leur sobriété et leur proximité esthétique avec les pièces découvertes sur les sites antiques par les archélogues.On constate d’ailleurs que très souvent les objets en opaline sont sertis de délicats bronze doré donnant à l’ensemble un air légèrement gothique ou et toujours profondément romantique. Pour autant, il propose aussi d’extraordinaire exemplaires d’opalines datant de NapoléonIII créées dans les prestigieuses maisons Baccarat, Saint-Louis ou autres Clichy et dont il sait l’attraction qu’exercent leurs troublantes teintes.

Mais au Singe à l’Envers vous trouverez aussi, autre terrain de prédilection, d’admirables tôles peintes en forme de plateau, de verrière toujours ornés de délicieux et élégants motifs.

Bien entendu, Bruno ne saurait scénographier cet ancien atelier d’ébéniste sans la théâtralité puissante de meubles d’époque, peintures, curiosités, et même surprenants mannequins et bustes.

En fait, il règne dans cette boutique de caractère une sorte de parfum léger d’atelier d’artiste où le temps suspendu serait enfin apaisé et complice.

Dès lors, à moins d’être doté de la sensibilité d’un parpaing, nous ne pouvons que vous inviter à vous rendre au Singe à l’envers pour voir ce qu’il y a dans «le regard d’un curieux» et  prêter l’oreille aux émouvants chuchotements du merveilleux.

Allez-y avec le délectable désir d’un jubilatoire voyage et peut-être aussi avec un très léger soupçon de recueillement puisqu’après tout, comme le rappelait la décidément trop régrettée Barbara «ce que vous vendez-là, c’est mon passsé à moi» et quand on y pense, on comprend mieux l’attitude du singe de l’enseigne, c’est tout simplement renversant.

CharlyM


Les commentaires sont indisponibles.