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Le Frac Auvergne expose Gert & Uwe Tobias

27 octobre 2012 – 20 janvier 2013

Pour leur première exposition en France, Gert & Uwe Tobias sont invités à investir l’intégralité des espaces d’exposition du FRAC Auvergne. Les frères jumeaux ont choisi de créer un environnement complet réunissant toutes les techniques qu’ils emploient depuis plus de dix ans pour bâtir une œuvre singulière, réalisée : gravures sur bois de grands formats, wallpaintings, sculptures, dessins, peintures, collages.
Cette exposition est également l’occasion de la première publication qui leur est consacrée en France.
Il n’est guère possible d’évoquer l’oeuvre de Gert & Uwe Tobias sans aborder les grandes lignes biographiques qui permettent d’en asseoir les origines. Nés en 1973 à Brasov, dans une Roumanie
soumise au joug dictatorial de Nicolae Ceausescu, ils quittent leur pays à l’âge de douze ans avec leurs parents pour s’installer en Allemagne. Ce n’est qu’âgés d’une vingtaine d’années qu’ils
y retournent, percevant alors toute l’ambiguïté d’une nation dont l’histoire s’est toujours mêlée au folklore. Comme dans la plupart des dictatures, le pouvoir de Ceausescu s’est largement servi, en le détournant, d’un imaginaire national porté par la puissance évocatrice de personnages populaires. Les figures de Vlad III l’Empaleur – qui inspira Bram Stoker pour le personnage de Dracula – ou des princes Alexandre Ier le Bon et Etienne le Grand, ont été instrumentalisées pour devenir les symboles du nationalisme, du patriotisme et de la glorification du régime. Ce nationalisme s’est auréolé, comme presque toujours, d’un esprit populaire où le folklore, le vernaculaire et les traditions ont fait
l’objet d’une récupération pour occuper une place prépondérante dans l’imaginaire collectif.
Ces contrastes sont au coeur de l’infléchissement que connaît le travail des deux frères lorsqu’ils décident d’entamer leur collaboration pour faire oeuvre commune après leurs études à la
Hochschule für Bildende Künste de Braunschweig, en Allemagne.
Ces précisions importent car si le télescopage des registres, des temps et des genres est manifeste dans leurs créations, il est essentiel de comprendre qu’il n’est pas exclusivement la manifestation de la volonté de gommer les écarts entre un art savant et un art populaire et que leur travail ne concerne pas, en définitive, le débat désormais obsolète du high et du low. Ces frictions proviennent avant tout de résurgences puisées dans l’histoire de leur pays d’origine. Les scénographies de leurs expositions, où se mêlent les références au constructivisme ou au Bauhaus, aux ordonnancements les plus autoritaristes des architectures totalitaires, autorisent l’analogie entre leurs œuvres et les forces contradictoires qui ont secoué leur terre natale. C’est probablement là que se loge l’une des principales articulations de leur travail, dans la mise à l’épreuve d’une imagerie populaire et artistique confrontée à son instrumentalisation dans les détournements politiques dont elle peut faire les frais.

Les oeuvres de Gert & Uwe Tobias couvrent un large spectre de techniques – gravure sur bois, collage, dessin, peinture, sculpture, installation – et mêlent indifféremment les références à l’histoire
de l’art et aux arts populaires (imagerie kitsch, poterie, broderie, représentations traditionnelles, etc.). Elles passent de la figuration à l’abstraction, de l’humour au tragique, du symbolisme le plus sombre au grotesque carnavalesque, de collages faussement aléatoires rejouant l’esprit Dada à des agencements surréalistes teintés d’une noirceur angoissée, de l’informe organique de céramiques anthropomorphes à des scénographies très structurées inspirées par l’architecture socialiste.
Elles citent pêle-mêle Redon, Klee, le Bauhaus, Malevitch, le constructivisme, Goya, Dalí, Munch, Schlemmer, Ensor, Gontscharova, Larionov, Tanguy, Miró, Nolde, Cotán, Matisse… Elles prennent successivement appui sur les bestiaires médiévaux, l’ornementation religieuse, le folklore roumain, la broderie, les bibelots désuets, la poésie graphique, l’histoire de la typographie, le spatialisme, les films de vampires, les amulettes, les grigris africains et puisent également, aux confins du genre artistique, à la marge de la marge, chez des outsiders de l’art comme Henry Darger… Ces apports se croisent ou, plutôt, infusent les uns dans les autres de façon anarchique et anachronique. La fusion est telle qu’il est au final assez difficile de délimiter les contours des éléments qui composent cet assemblage improbable duquel se dégage un sentiment d’étrange familiarité, une impression de déjà vu, où les grandes figures de style depuis longtemps assimilées se fondent les unes aux autres tout en frayant avec d’autres sources, disparates, mineures.
Dans les gravures et les collages, des grilles abstraites ponctuées par une scansion de signes typographiques supportent le flottement de petites formes fragiles issues de l’imagerie populaire
– têtes d’oiseaux, de lièvres, bouquets de fleurs, motifs de broderie, faces de monstres, bestioles en tout genre, bestiaire onirique… Trafic d’abstractions et pillage de motifs figuratifs trouvés dans les épaves de l’histoire de l’art et du folklore frayent, s’alimentent et se déprécient en même temps. La part abstraite brouille les pistes du vernaculaire tandis que les motifs issus des grands genres de l’histoire de la peinture classique – nature morte, vanité, animaux symboliques, etc. – s’insèrent dans les structures composites de grilles et de signes typographiques.

Publication du livre Gert & Uwe TOBIAS
Éditions du FRAC Auvergne
Texte de Jean-Charles Vergne – Français/Anglais
Conception graphique : Supaire Frappe
180 pages – 90 reproductions couleur – 25 €

Documentaire réalisé par Atalante Productions

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